Wednesday 17 June 2009

Boris de Veau


« Un quart d’heure, ce n’est pas beaucoup pour détailler les charmes divers de cette adorable Sally et j’ai juste le temps de lui bâcler un échantillonnage de ce que je sais faire. Sans nul doute, elle a de bonnes dispositions et c’est une plante à cultiver. Elle a une peau délicate, elle sait embrasser ; pour le reste, on voit qu’elle manque de pratique, mais elle se prête à tout…d’ailleurs, je ne fais pas grand-chose… je butine. Tout de même, malgré ma fatigue, au bout de dix minutes, j’arrive à m’énerver, mais elle me fait retomber sur le dos et se glisse contre moi.
 - Mon tueur…elle murmure. Mon tueur chéri…fais-moi mal…mords-moi.
 - Oh la barbe, je lui dis. J’ai tué personne.
Je vais un peu fort…j’ai idée que ça va rompre le charme, mais je m’assieds, je la couche sur les cuisses et je lui fous une fessée. Elle frétille comme une anguille, elle réussit à se dégager et à me remettre sur le dos et elle me ressaute dessus. Je regarde ma montre. Plus que trois minutes.
Elle se démène, un vrai plaisir. Elle est pleine d’entrain, cette petite gosse.
 - Etrangle-moi…elle dit. Fais-moi mal.
A la longue, ça me fait juste l’effet qu’il faudrait pas…j’abandonne le champ de bataille et elle s’en aperçoit et fait une drôle de tête.
  - Je ne te plais pas ? elle dit.
 - Si tu la fermais, je réponds, on aurait peut-être pu arriver à quelque chose, mais tes boniments à l’huile de noix de coco, ça m’inspire pas.
 - Oh !... elle répond Francis…tue-moi…Je suis trop malheureuse…Tue-moi comme tu as tué le Chinois.
 Je l’écarte de moi et je me lève.
 - Ce qu’il te faudrait, je dis, c’est un vrai dur, bien vache, qui te dérouille et qui te colle une bonne maladie. Ca, ça serait chouette. »

Elles se rendent pas compte, 1953

Thursday 11 June 2009

MC de Galarza


L'élément déclencheur: le mois dernier été diffusé l'Aile ou la Cuisse sur le service public, et peut-être avez-vous regardé, un peu honteux, mais trop fatigués pour vous concentrer sur un Bergmann, ou faute de concurrence sur la TNT...Et pourtant, le lendemain en open space, qui a osé avouer à ses collègues que, "oui, hier, je me suis maté un De Funès"?Personne, bien évidemment. Au même moment, dans le Marais, deux branchés sortent de la rue des Blancs Manteaux. L'un: "t'as fait quoi hier?", l'autre, décontract', "ben je suis allé voir Safari"...Stupeur. Alors c'est donc ça? Ainsi, la tendance Chti aurait réussi à frapper toutes les couches de la population française? Mais oui, vous savez, cette vague aux effluves de graillon qui consiste à aimer sans condition, et ce de manière ostentatoire, "Bienvenue chez les Ch'tis" ou "Safari" pour prouver que vous n'avez rien à voir avec l'affaire de la banderole du Stade de France. En gros on se fait passer pour un mec un peu beaubeauf correspondant à l'image du Chti ( vous savez, ces gens dont on dit "ah ils ont le coeur sur la main" pour ne plus dire "oh ils ont une fricadelle dans le crâne") et éviter l'amende pour snobisme chtimiphobe. 
 A moins qu'aujourd'hui les nouveaux goûts-douteux-mais-hype-à-avouer ne soient devenus cinématographiques. Un peu comme hier on s'affichait artiste et fan du PSG, aujourd'hui on trippe sur la visite guidée de Bergues qu'on a faite en Septembre, même que "c'était super sympa". Alors à l'heure où Dany Boon pourrait être à l'Elysée et Kad Merad en first Lady, profitons-en pour réhabiliter une valeur sûre de l'humour français, j'ai nommé Louis de Funès. 

 1. L'aspect transgénérationnel: Louis de Funès, c'est les années 60s et 70s, mais qu'on soit né en 52 ou en 92, on connaît tous par coeur (des fois à contre-coeur) les répliques cultes de sa filmo, de "Big Moustache" à "Salomon, vous êtes juif?". Point non négligeable dans le cadre d'un déjeuner dominical chez tante Annick la blagueuse, avec qui vous aurez pour une fois des références en commun. 

 2. L'âge d'or de la comédie française: de même, les années 60s-70s sont une période faste pour le cinéma comique en France, le temps des premiers films de Gérard Oury ou Claude Zidi, qui réunissaient les plus grands du cinéma comique de l'époque, Bourvil, Coluche ou Villeret. Mais c'est aussi une période où la plupart des comédiens de tous bords se sont essayés à l'humour. Du coup, les films de de Funès sont par exemple une bonne occasion de (re)découvrir Jean Marais en combi latex de Fantômas, ce qui à défaut d'égayer votre soirée, aura au moins eu le mérite de vous éclairer un peu plus sur la fin de sa carrière, trop souvent occultée...

 3. Les films de de Funès, c'est aussi l'illustration de l'avènement de la télé, de la famille heureuse et unie devant le petit écran, bref, c'est l'image de la société parfaite façon 70s. Un film de de Funès réunit non seulement une famille devant le téléviseur, mais il réunit aussi toutes les couches sociales, toutes les familles de France devant un même programme. En gros un de Funès 1974 est au long-métrage ce qu'un PSG-Monaco 2007 est au foot: un formidable générateur d'audimat et l'assurance d'une soirée pleine d'humour.

 4. De Funès, plus fort qu'Austin Powers: car ce qu'on aimait chez l'espion qui nous a tirées, c'était la caricature des intérieurs années 70s, pleine d'exagérations, de couleurs criardes et d'objets du quotidien complètement aberrants. Sauf qu'il suffit de regarder Oscar, d'Edouard Molinaro, pour réaliser à quel point le chef décorateur de Mike Myers était en deçà de la réalité. 

 5. Louis de Funès, c'est un antihéros hystérique, menteur et plein de bassesses, mais auquel on pardonne tous ses travers. Les personnages qu'il incarne sont toujours égocentriques, vils et méprisants, mais ne sont jamais détestables. Ce qui les sauve, c'est leur côté BD, ce côté petit animal gesticulant qui fonctionne à merveille, une formule hyper-concentrée à base d'onomatopées, de tics nerveux et de coups tordus façon la Linea. De Funès est l'un des derniers comiques type commedia dell'arte, et il est magistral dans son genre, et ses sales tours bien plus intemporels que l'humour actuel basé sur le simpliste "c'est drôle parce que c'est pas drôle".

 6. Une dimension sociale, car la diversité culturelle est au menu de la plupart des scenarii: un bon de Funès présente toujours toutes les classes sociales françaises: le bon bourgeois plein de principes, le jeune rebelle refusant de reprendre la boîte de papa, la jeune fille à marier qui ne veut pas se marier, le chauffeur un brin Scapin, la femme au foyer ou la femme active. On n'ira pas jusqu'à dire que les films de de Funès se comparent à du Molière, mais la satire sociale n'est jamais bien loin. La classe moyenne se détend, les richards se marrent, mais au travers de de Funès c'est toute la société qui en prend un petit coup. 

 7. Un bon de Funès va même plus loin quand on y aborde des sujets plus délicats: racisme et antisémitisme dans Rabbi Jacob ("Salomon, Slimane, vous ne seriez pas un peu cousins?"), industrie agro-alimentaire dans L'Aile ou la Cuisse, Seconde guerre mondiale dans la Grande Vadrouille...L'acteur avait même prévu de jouer, sous la direction de Gérard Oury, un dictateur sud-américain, « un petit colonel cupide, teigneux, couard avec des faiblesses : le fric, sa femme, son fils ». Ca ne vous évoque rien? C'est ça la modernité d'un de Funès!

 8. Un humour jamais vulgaire: et oui, parce que lors de ce fameux déjeuner chez tante Annick la blagueuse, il sera toujours de meilleur goût de placer du de Funès que du Bigard.

 9. Enfoncez-vous bien au fond de votre canapé Pierre Paulin ou sur le tapis peau-de-yéti, dans votre pyjama en pilou-pilou, faites tourner votre 33T honteux de Mike Brant, c'est bon, vous y êtes!